Les partis communistes des pays démocratiques ont une façon sournoise d’attaquer les religions. Ce qui se passe au Japon n’est que le chapitre le plus récent d’une longue histoire.
Par Massimo Introvigne*
*Discours prononcé lors de la « 2e Conférence de l’espoir pour les droits humains universels et la liberté religieuse visant à surmonter les menaces envers la liberté de pensée, de conscience et de religion », Cheongpyeong, Corée du Sud, le 17 décembre 2022.
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Partout où le communisme a été au pouvoir, de l’Union soviétique à la Corée du Nord ou à la Chine, on a arrêté, emprisonné, torturé, violé ou tué des millions de croyants de toutes les religions.
Mais qu’en est-il des pays où les communistes n’ont pas été au pouvoir ? On connait bien les meurtres physiques, brutaux, des croyants en Union soviétique ou en Chine. Mais on connait beaucoup moins les meurtres spirituels commis dans les pays où les partis communistes étaient forts, comme l’Italie ou le Japon.
Jésus a dit dans Matthieu 10.27 : « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps mais ne peuvent tuer l’âme. » Dans les pays démocratiques, les communistes ne pouvaient pas tuer les corps ; mais ils cherchaient à tuer les âmes.
Je viens d’un pays, l’Italie, qui a eu pendant près de cinquante ans le plus grand parti communiste de l’Occident. Le principal dirigeant de ce parti, Palmiro Togliatti, a élaboré une stratégie concernant la religion qui avait la pleine bénédiction de l’Union soviétique. La loyauté de Togliatti envers les Soviétiques était telle qu’à sa mort, en 1964, une grande ville russe, Stavropol, a été rebaptisée en son honneur « Tolyatti ». Grâce à Vladimir Poutine, elle conserve ce nom jusqu’à présent.


La stratégie communiste italienne en matière de religion reposait sur trois principes. Premièrement, ne pas attaquer la religion en public et trouver quelques croyants qui deviennent membres du Parti et agissent comme des « idiots utiles », en prétendant publiquement que le communisme et la religion sont parfaitement compatibles. Deuxièmement, continuer en même temps à diffuser discrètement la propagande athée au sein du Parti. Tout en proclamant publiquement son respect pour la religion, Togliatti confia à l’universitaire marxiste et sénateur communiste Ambrogio Donini la responsabilité d’un vaste travail de propagation de l’athéisme scientifique, dont les effets sont encore perceptibles aujourd’hui en Italie.
Troisièmement, tout en souriant aux croyants qui sont soit amicaux, soit « accommodants » envers le communisme, attaquer sans pitié les organisations religieuses qui combattent le marxisme ouvertement et idéologiquement, qu’elles soient catholiques ou non.
J’ai publié mon premier livre sur le révérend Moon et l’Église de l’Unification, en italien, en 1987. J’ai rassemblé des centaines de coupures de presse et j’ai clairement détecté qu’une campagne qualifiant l’Église de l’Unification de « secte » avait été menée en Italie par la presse communiste et gauchiste, laquelle était dérangée par les activités anticommunistes de cette Église. La même chose s’était produite en France avec le quotidien communiste « L’Humanité ».


En dehors du Japon, peu de gens savent que le Parti communiste japonais a été pendant de nombreuses années l’un des plus grands partis communistes non-gouvernementaux du monde. Il est peut-être aujourd’hui le deuxième, après celui de l’Inde.
En 1951, suivant les instructions de l’Union soviétique et de la Chine, le Parti communiste japonais adopta le « Programme de 1951 », qui comprenait ces mots célèbres : « C’est une erreur de penser que la libération du Japon et sa transformation démocratique peuvent être obtenues par des moyens pacifiques. » Le Programme fut adopté pendant la guerre de Corée, car Staline et Mao espéraient que la violence des communistes au Japon créerait une diversion pour les États-Unis. La Public Security Intelligence Agency, l’agence nationale du renseignement au Japon, signala qu’à la suite du « Programme de 1951 », le Parti communiste était responsable de « meurtres et de troubles dans plusieurs villes ».
La réaction ferme des autorités, de la police et des services de renseignements japonais persuada le Parti de retirer le « Programme de 1951 ».


L’un des effets secondaires de ce retrait fut l’adoption par les communistes japonais d’une attitude décrite par les spécialistes comme similaire à celle du Parti communiste italien sur plusieurs questions, notamment celle de la religion. Les publications du parti commencèrent à insister sur le fait que les communistes japonais n’étaient pas contre la religion. En 2007, l’organe officiel du parti, le « Shimbun Akahata » (Drapeau rouge), annonçait que les membres du parti comprenaient des « prêtres bouddhistes, des épouses de prêtres, des prêtres shintos, des chrétiens, des adeptes de Tenrikyo et d’autres personnes religieuses ». Dans le même temps, les membres du Parti continuaient leur formation sur les textes « sacrés » du marxisme, qui sont intrinsèquement athées. Longtemps après avoir répudié le « Programme de 1951 », le Parti conserva dans son Comité central Bunkichi Okada (岡田文吉), l’un des fondateurs de l’Alliance de lutte antireligieuse (反宗教闘争同盟) et le créateur de la Ligue athée militante du Japon (日本戦 闘的無神論者同盟).
La même année 2007, alors qu’il se vantait de compter des personnes religieuses parmi ses membres, le Parti communiste japonais écrivit également qu’il voulait que « l’Église de l’Unification soit traitée comme un groupe criminel ».
En fait, les plans du Parti communiste pour détruire l’Église de l’Unification avaient commencé bien plus tôt. En 1968, le révérend Moon fonda la Fédération internationale pour la victoire sur le communisme (IFVOC). Elle joua un rôle-clé pour contenir le parti communiste japonais et ses alliés socialistes. Comme l’ont déclaré les dirigeants du parti, l’IFVOC contribua également à la défaite du candidat soutenu par les communistes lors des élections de 1978 au poste de gouverneur de Kyoto, mettant ainsi fin à 28 ans de règne gauchiste dans cette ville. L’année suivante, le principal espion soviétique au Japon, Stanislav Levchenko, fit défection aux États-Unis et témoigna que d’éminents politiciens communistes et socialistes japonais étaient des agents soviétiques rémunérés. Pendant des décennies, l’IFVOC a joué un rôle de premier plan dans la défense d’une législation anti-espionnage efficace.


Après la chute de l’Union soviétique, des documents dans les archives soviétiques ont confirmé que les révélations de Levchenko étaient absolument exactes. À l’époque, cependant, le Parti socialiste prétendit qu’il s’agissait d’une conspiration de l’IFVOC, laquelle le poursuivit en justice. Afin d’éviter une défaite humiliante, l’avocat du Parti socialiste dut persuader ses clients de s’arranger à l’amiable avec l’IFVOC en payant deux millions de yens.
Cet avocat n’a jamais pardonné à l’IFVOC ni à l’Église de l’Unification. Il s’appelait Hiroshi Yamaguchi. En 1987, dans une publication socialiste, il appela d’autres avocats de gauche à se joindre à lui pour créer une association contre les ventes dites spirituelles, c’est-à-dire les ventes de certains objets à des prix exorbitants dont l’Église de l’Unification était accusée. Il écrivit : « L’argent ainsi obtenu sert à financer l’Église de l’Unification et la campagne de l’IFVOC pour faire adopter la loi sur les secrets d’État. »
Telle est l’origine de l’organisation appelée plus tard « Réseau national d’avocats contre les ventes spirituelles », qui a organisé une campagne de diffamation à grande échelle contre l’Église de l’Unification/Fédération des Familles après l’assassinat de Shinzo Abe. Elle a été lancée pour détruire l’IFVOC et son soutien à la législation anti-espionnage.
Le mois dernier, en novembre 2022, le journaliste Soichiro Tahara et le président du Parti communiste Kazuo Shii abordèrent la question de l’Église de l’Unification/Fédération des familles, en présentant la campagne qui a suivi l’assassinat d’Abe comme la « guerre finale contre l’Église de l’Unification ». Shii déclara que cette guerre avait déjà commencé en 1978 avec les élections du gouverneur de Kyoto. « Cette fois, dit-il, nous irons jusqu’au bout, jusqu’à ce que nous ayons réussi. »


Certes, ceux qui sont impliqués dans la « guerre finale contre l’Église de l’Unification » au Japon ne sont pas tous des communistes. Mais là n’est pas la question. Mon histoire, je l’espère, a clarifié qui a commencé la guerre, pour quelle cause, et qui dirige l’armée.
Il ne faut cependant pas négliger un point important. Le communisme ne gagne pas toutes ses guerres. Même la puissante Union soviétique n’était pas immortelle. La Ligue athée militante japonaise a proclamé être « en guerre contre Dieu ». Les guerres contre Dieu ont une caractéristique essentielle. Elles ne peuvent être gagnées. Au Japon, aujourd’hui, ce qu’ils croient gagner n’est qu’une bataille. Mais ils ne gagneront pas la guerre. Normalement, les religions durent plus longtemps que les idéologies anti-religieuses. Et le dernier mot leur appartient.