Après le crime, les médias ont pris pour argent comptant les déclarations des avocats anti-Église de l’Unification. Personne ne s’est soucié d’enquêter sur eux ni sur leur passé.
par Massimo Introvigne
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Après l’assassinat de Shinzo Abe, même les médias non japonais sont devenus soudain familiers avec le Réseau national des avocats contre les ventes spirituelles (National Network of Lawyers Against Spiritual Sales). Ce réseau, qui compte actuellement près de 300 avocats, a été créé au Japon en 1987 pour lutter contre l’Église de l’Unification, bien qu’il ait parfois aussi ciblé d’autres mouvements religieux.
L’assassin d’Abe a affirmé avoir tué l’ancien Premier ministre parce qu’il avait participé par vidéo à un événement, puis envoyé un message audio à un autre événement, d’un groupe lié à l’Église de l’Unification/Fédération des familles. Le tueur accusait cette dernière d’avoir ruiné sa mère, laquelle avait fait d’importantes donations à l’Église. Or, la mère avait fait faillite en 2002 et c’est vingt ans plus tard que l’assassin a tué Abe. Pour éviter la critique éventuelle que des campagnes hostiles menées par les avocats aient pu influencer l’esprit fragile du tueur, le Réseau a décidé de frapper préventivement. Il a organisé des conférences de presse rejetant la responsabilité des faits sur l’Église de l’Unification, transformant le criminel en victime et la victime en criminel.
La plupart des médias internationaux ont repris la version du Réseau, sans chercher à en savoir davantage sur ces avocats. Ils ont également ignoré un précédent qui avait en son temps attiré l’attention internationale de militants des Droits de l’homme, et même du Département d’État américain, lequel en avait fait mention dans ses rapports annuels sur la liberté religieuse. En effet, de 1966 à 2015, près de 4 300 membres adultes de l’Église de l’Unification ont été enlevés à l’instigation de leurs parents, enfermés dans des appartements et soumis à un « deprogramming », une pratique inventée aux États-Unis, mais déclarée illégale par les tribunaux de ce pays.
Lorsque les parents n’approuvaient pas la religion à laquelle adhéraient leurs enfants, on les kidnappait, les séquestrait et les soumettait à de fortes pressions physiques et psychologiques, jusqu’à ce qu’ils acceptent de renoncer à leur foi. Interdit dans la plupart des pays démocratiques du monde, le deprogramming n’a survécu qu’au Japon et en Corée du Sud.
Au Japon, le deprogramming, qui visait également les Témoins de Jéhovah et d’autres religions minoritaires, était particulièrement rude. Une femme, membre de l’Église de l’Unification, accusa un déprogrammeur de l’avoir violée plusieurs fois en tentant de la « désendoctriner » (même si elle prit peur par la suite et retira sa plainte). Après avoir appris le viol de sa fille, le père fut submergé par la honte d’avoir engagé le déprogrammeur et après quelques années finit par se suicider.
Toru Goto, membre de l’Église de l’Unification, fut enfermé dans un appartement pendant plus de douze ans dans le cadre d’une tentative infructueuse de deprogramming. C’est son cas qui conduisit la Cour suprême, en 2015, à déclarer le deprogramming illégal et à accorder d’importants dommages et intérêts à Goto (deux fidèles de l’Église avaient gagné des procès avant lui, mais n’avaient reçu que de faibles compensations financières). Après cette décision, la pratique a cessé, à l’exception d’un nouveau cas en 2021, lorsque des parents séquestrèrent un membre de l’Église dans leur maison, au lieu d’un appartement, puis prétendirent qu’il s’agissait d’une simple affaire de famille.
Les avocats les plus en vue du Réseau, Hiroshi Yamaguchi (qui représenta Takashi Miyamura, le principal bourreau de Goto), Hiroshi Watanabe et Masaki Kito, ont participé à la défense de ceux qui étaient accusés de deprogramming. Certains avocats du Réseau ont même profité des victimes déprogrammées par ces individus en les persuadant de poursuivre l’Église de l’Unification en justice, générant ainsi d’importants revenus pour leur propre compte.
Tous les avocats du Réseau ne soutenaient pas les enlèvements. L’un d’entre eux, Yoshiro Ito, suggéra même au Réseau, en 1996, de cesser sa coopération avec Miyamura. Néanmoins, c’est bien un avocat du Réseau, Yasuo Kawai, qui a soutenu en 2021 les parents qui tentaient de relancer la pratique illégale du deprogramming.
L’animosité de Yamaguchi envers l’Église de l’Unification est antérieure à la fondation du Réseau. En 1979, Stanislav Levchenko, agent du KGB soviétique et espion de premier plan au Japon, fit défection aux États-Unis. Il témoigna que d’éminents politiciens japonais, pour la plupart liés au Parti socialiste du Japon (SPJ), étaient des agents soviétiques. Après la chute de l’Union soviétique, des documents découverts dans les archives russes confirmèrent ces révélations, mais en 1983, le SPJ riposta en dénonçant une conspiration organisée par la CIA à travers la Fédération internationale pour la victoire sur le communisme (IFVOC), une organisation liée à l’Église de l’Unification. L’IFVOC poursuivit le SPJ en justice. Yamaguchi représentait le SPJ et perdit le procès, qui se solda finalement par un règlement compensatoire de deux millions de yens versé à l’IFVOC.
Pour certains avocats du Réseau, y compris les plus éminents, les campagnes contre l’Église de l’Unification permettaient de protéger à la fois les activités de deprogramming et les procès intentés contre l’Église par les ex-membres déprogrammés – tous deux étant des affaires très lucratives. Une autre activité non moins lucrative des avocats consiste à persuader des donateurs de se faire représenter par eux pour porter plainte contre l’Église de l’Unification et ainsi récupérer leurs dons. Les membres du Réseau ne se privent pas de divulguer les montants de ces dons, mais se gardent bien de révéler combien ces affaires leur rapportent.
Ils n’hésitent pas non plus à recourir à des tactiques douteuses. Dans un procès que l’Église de l’Unification a gagné contre un ex-membre au tribunal de district de Tokyo le 1er mars 2021, le juge a découvert que le plaignant avait modifié et antidaté un carnet personnel pour fabriquer de fausses preuves contre l’Église.
Non, les membres du Réseau national des avocats contre les ventes spirituelles ne sont pas des chevaliers à l’étincelante armure pourfendant les dragons des « sectes », comme le prétend leur propagande, trop facilement relayée par les médias japonais et internationaux. Si tous ne sont pas du même avis concernant la question du deprogramming, certains membres renommés du Réseau ont défendu des kidnappeurs violents, ou même des espions soviétiques, d’autres ont présenté aux juges de faux documents fabriqués par leurs clients, et diffusé contre l’Église de l’Unification des informations calomnieuses qu’ils savaient fausses.