L’ex-membre la plus célèbre de l’Église de l’Unification/Fédération des familles au Japon a largement inventé son histoire, d’après son père et sa mère.
par Masumi Fukuda
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Ce qui suit est le récit des parents de Sayuri Ogawa. Malgré les liens familiaux qui les unissent depuis toujours, les parents et leur fille ont aujourd’hui une perception des faits radicalement différente.
Son père, Yoshihiko, âgé d’une cinquantaine d’années, est diplômé d’une université nationale réputée. Il a ensuite poursuivi ses études aux États-Unis dans un Institut supérieur affilié à l’Église de l’Unification. Sa mère, Masako (un autre pseudonyme), a une soixantaine d’années. Après ses études secondaires, elle a travaillé dans un supermarché local ; puis sa sœur aînée a rejoint l’Église de l’Unification. Elle lui a fait découvrir l’enseignement du «Principe divin», et Masako a joint l’Église à son tour.
Yoshihiko et Masako ont participé à l’un des mariages collectifs internationaux de l’Église à Séoul, en Corée, en octobre 1988, et ont commencé leur vie de couple dans la préfecture d’Ibaraki en 1992. Ils ont depuis eu six enfants : deux fils, puis quatre filles, dont Sayuri est l’aînée. La troisième et la quatrième filles ont été adoptées par d’autres familles.
Le père de Sayuri, Yoshihiko, travaille actuellement pour une entreprise qui n’est liée à aucune organisation religieuse. Mais de novembre 2003 à la fin janvier 2010, il a été pasteur principal dans diverses églises de la Fédération des familles.
La fille aînée, Sayuri, est née en octobre 1995. Elle avait d’excellentes notes à l’école et montrait des talents de leadership depuis son enfance. Elle aimait être sur le devant de la scène et «avait un peu tendance à se mettre en valeur», selon Masako.
Sayuri était bien connue des membres locaux de la deuxième génération de l’Église. Celle-ci organise des festivals culturels pour les collégiens et les lycéens, appelés festivals Chuwa. Trois années de suite, alors qu’elle était au lycée, Sayuri a remporté le deuxième prix dans la catégorie des discours de lycéens, lors de festivals dans les préfectures d’Aichi et de Mie.
En troisième année de lycée, elle a donné une conférence sur le «Principe divin» qu’enseigne l’Église de l’Unification, et elle a remporté le premier prix au concours régional du Japon occidental et le deuxième prix au concours national. Elle a également remporté plusieurs autres prix.
«Elle est extrêmement intelligente et travailleuse. Mon mari mettait de grands espoirs en elle», confie Masako.
Les parents n’en croyaient pas leurs oreilles lorsqu’ils ont entendu cette fille si fière, répéter aux médias qu’elle et ses frères et sœurs avaient été harcelés à l’école primaire parce qu’ils étaient mal habillés, qu’on les traitait de «puants», ou qu’ils étaient exclus de leurs groupes de camarades sur le chemin de l’école, soi-disant parce que leurs parents avaient fait des dons importants à l’Église et que leur famille était pauvre.
«Notre famille n’avait pas les moyens financiers de faire des dons importants, dit Masako, car le père de Sayuri est resté longtemps aux États-Unis pour ses études quand nos enfants étaient petits. Nous n’étions pas en mesure de verser la dîme, c’est-à-dire de donner un dixième de nos revenus. Peut-être ma fille pense-t-elle que nous avons fait des dons importants parce que nous avions des vases, une pagode à deux étages et une statue du Maitreya chez nous, et que ce sont des objets normalement reçus par les membres de l’Église qui ont fait des dons importants. Or, ces objets venaient de membres décédés de notre congrégation. Une famille endeuillée avait demandé à mon mari de reprendre ces objets, et un autre coreligionnaire nous avait fait don de la statue du Maitreya.

Mon mari pensait que notre fille avait mal compris pourquoi nous avions ces objets chez nous et, le 11 septembre 2022, il lui en a expliqué la raison par la messagerie LINE.
Notre fille, cependant, n’a pas répondu à son message. Elle a posté sur Twitter le 16 septembre : ‘Mes parents semblent être complètement inconscients qu’ils ont fait des dons importants.
Maintenant, supposons ceci, au minimum.
Même si les salaires mensuels de mes deux parents ne sont que de 300 000 yens, s’ils payent la dîme depuis 30 ans, cela fait 30 000 (un dixième de 300 000) x 12 (mois par an) x 30 ans = 10,8 millions de yens.
Facilement plus de 10 millions de yens (70 000€), et mes parents ont dit que nous payions trois dixièmes, donc ils ont donné davantage. C’est clairement du lavage de cerveau’, a-t-elle dit. Nous n’avons jamais pu donner un dixième de nos salaires, donc comment aurions-nous pu donner trois dixièmes?», insiste Masako.
Sur le fait que Sayuri prétend avoir été malmenée et «exclue», elle secoue la tête :
«J’ai interrogé la sœur cadette de Sayuri, qui est très proche d’elle. Elle n’a jamais entendu dire que Sayuri a été victime d’intimidation. Mes deux fils eux-mêmes n’ont jamais été malmenés ou exclus de leurs groupes de camarades. La seule chose dont je me souvienne, c’est que Sayuri s’étant montrée désagréable avec une amie, son professeur au collège l’avait réprimandée.»
En outre, Sayuri a déclaré qu’on l’avait forcée à assister à des événements et à des activités religieuses depuis son enfance, mais son père, Yoshihiko, remet les pendules à l’heure. «Tous les trois ou quatre ans environ, s’il y avait une grande convention ou un événement à l’église en semaine, je demandais à mes enfants de s’absenter de l’école. Lorsque les activités des clubs scolaires du samedi et du dimanche coïncidaient avec des services ou des événements religieux, j’encourageais parfois mes enfants à donner la priorité aux activités religieuses. En revanche, lorsqu’ils étaient à l’école primaire, je donnais la priorité à leurs matchs de sport et à d’autres activités, comme les matchs de mini-basket, plutôt qu’aux événements religieux. Et plusieurs fois j’ai accompagné mes enfants à des matchs qui se déroulaient loin de chez nous.»
La mère de Sayuri, Masako, explique également : «Nous n’avons jamais interdit la télévision, la musique, les livres ou les bandes dessinées à nos enfants. Sayuri aime chanter et jouer de la guitare, elle s’est produite en diverses occasions. À plusieurs reprises, mon mari et moi nous sommes absentés de notre travail pour aller la voir. Sayuri ne s’est pas mariée dans l’un des mariages internationaux recommandés par notre Église, mais mon mari et moi ne nous sommes jamais opposés à elle sur ce point. D’ailleurs, nous ne lui avons jamais dit : ‘Tu iras en enfer si tu tombes amoureuse’. Nous avons assisté au mariage de notre fille et l’avons célébré sincèrement. Nous avons été très heureux de sa grossesse et de la naissance de son bébé. Nous sommes même allés nous occuper d’elle immédiatement après l’accouchement.»
Masako souligne également qu’il aurait été impossible pour Sayuri de remporter son deuxième prix et les diverses récompenses aux concours de la Fédération des familles, si elle avait été forcée d’y participer. Elle a gagné ces prix parce qu’elle voulait y participer et qu’elle avait demandé d’y aller. Au cours de ses études secondaires, Sayuri ne remettait pas en question la doctrine de l’Église, elle n’y voyait pas de problème. Elle appréciait plutôt la liberté dont elle jouissait à l’école. «J’ai entendu dire qu’elle était populaire, car elle avait un beau visage, aux traits un peu masculins, et qu’elle discutait ouvertement avec ses amis du fait qu’elle fréquentait l’Église», déclare Yoshihiko.

Selon Yoshihiko, il est également faux que la famille ait agressé verbalement la mère dépendante de Masako en lui disant : «Tu devrais mourir», ou qu’elle l’ait battue et lui ait donné des coups de pied. Certes, il y avait une querelle de longue date entre Masako et sa mère, et il y avait parfois des discussions animées, mais jamais il n’y a eu de violence ni de «souhait de mort». La querelle entre mère et fille remonte aux plus anciens souvenirs de Masako et n’a rien à voir avec l’Église de l’Unification.
En février 2014, Sayuri a participé à une session de formation de 21 jours au centre de la Fédération des familles de Chiba, pendant ses vacances de printemps, juste avant de passer son baccalauréat. Elle a affirmé dans les médias avoir été harcelée sexuellement pendant cette session, disant par exemple qu’elle s’était fait caresser la tête et serrer dans les bras par un leader de groupe masculin. Elle a dit qu’elle en avait parlé à sa mère, mais Masako dit n’en avoir jamais entendu parler.
En fait, à cette époque, Sayuri a effectivement expliqué à un staff de l’Église qu’elle avait reçu un courriel de ce leader de groupe après son retour à la maison. Mais elle n’a pas dit qu’elle avait été harcelée sexuellement. Toutefois, comme la Fédération des familles enseigne une stricte moralité sexuelle, ce staff a pensé que ce simple e-mail pouvait indiquer un problème. Il l’a signalé au chef du centre de formation de Chiba. Ce dernier, en interrogeant le leader de groupe incriminé, a découvert qu’en fait Sayuri et lui avaient souvent parlé ensemble, si bien qu’il n’avait pas vu de problème à lui écrire un message, et qu’ils avaient seulement échangé quelques courriels.
À la même époque, Sayuri a envoyé un courriel à un autre staff de l’Église, dans lequel elle disait : «J’ai senti le regard du leader de groupe posé sur moi», mais là encore, elle n’a pas parlé de harcèlement sexuel. Autrement dit, ce n’est qu’après avoir commencé à parler aux médias qu’elle s’est soudain «souvenue» de l’incident d’un harcèlement sexuel.
Sayuri a ensuite participé à trois reprises à des sessions de 40 jours au centre de formation de Cheongpyeong, au siège de la Fédération des familles en Corée. Mais au cours de ces sessions, elle s’est comportée étrangement avec le personnel masculin coréen, les mettant dans l’embarras.
À la mi-septembre 2014, pendant la troisième session de formation qu’elle avait commencée le 30 juillet, une chose étrange lui est arrivée. Sayuri a soudain eu l’impression que sa voix se transformait en celle d’une femme agressive, et elle a perdu tout contrôle. Plusieurs membres du staff l’ont maîtrisée et l’ont transportée dans un hôpital adjacent au centre de formation.
Sa mère Masako est partie immédiatement en Corée, où elle est arrivée le 16 septembre. En voyant le visage de sa mère, Sayuri a été soulagée et s’est calmée. Elle a quitté l’hôpital le lendemain, le 17 septembre. Le médecin a alerté Masako sur l’état de santé de sa fille : «Faites attention, elle a tendance à stresser facilement.» Sayuri aimait le centre formation de Cheongpyeong et voulait y poursuivre la session. Mais le personnel, inquiet de sa santé physique et mentale, lui a recommandé de rentrer chez elle le plus tôt possible. Elle est repartie avec sa mère le 30 septembre.
En janvier 2015, l’année suivante, Sayuri s’est inscrite dans une école professionnelle de Nagoya pour suivre une formation de conseillère. Mais elle a abandonné après quatre ou cinq cours en disant : «Je ne pouvais pas m’y rendre, car j’étais poursuivie par un harceleur.»
En août et en octobre, elle a de nouveau participé à une session de formation de l’Église en Corée. À cette époque, elle chantait comme vocaliste dans un groupe formé par son père Yoshihiko, et, à la fin de l’année, elle a participé à un événement de la Fédération des familles où elle a chanté.
En 2016, Sayuri est redevenue mentalement instable. Elle a fréquenté des cliniques psychiatriques et a été transférée dans un hôpital en raison d’une crise de spasmophilie. En 2017, elle a commencé à vivre seule dans un appartement, bien que son état mental ne se soit pas amélioré. Elle a été hospitalisée dans un centre médical national pendant quelques jours, aussi bien avant, qu’après avoir quitté le domicile de ses parents,
Masako affirme : «Il y a plusieurs cas de dépression ou de maniaco-dépression (trouble bipolaire) du côté de ma famille. Certains se sont même suicidés. Je pense que le trouble mental de Sayuri est héréditaire. Ma fille prétend que c’est l’Église de l’Unification qui a causé sa maladie mentale, mais je pense que cela n’a rien à voir. Son médecin ne m’a rien dit sur sa maladie, mais d’après ma fille, on lui a diagnostiqué une dépression, un trouble panique, etc.»
En revanche, quant à ses activités musicales, Sayuri était très enthousiaste. Elle chantait lors d’événements organisés par les églises locales avec Yoshihiko, et jouait également de la guitare de son côté. Elle était aussi très proche de son père.