BITTER WINTER

L’assassinat d’Abe. Les dons à l’Église de l’Unification : Séparer les faits de la fiction

by | Sep 8, 2022 | Documents and Translations, French

Les médias ont pris pour argent comptant l’accusation des avocats anti-Église de l’Unification selon laquelle les « victimes » étaient escroquées par le biais de « ventes spirituelles ». La vérité est différente.

par Massimo Introvigne

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Anti-Unification-Church lawyer Hiroshi Watanabe railing against “spiritual sales” in a post-Abe-assassination press conference. Screenshot.
Hiroshi Watanabe, avocat anti-Église de l’Unification, s’insurge contre les « ventes spirituelles » lors d’une conférence de presse organisée après l’assassinat d’Abe. Capture d’écran.

Durant la Révolution française, la Terreur a tué près de 30 000 prêtres, religieuses et laïcs catholiques. Pour exacerber l’opinion publique contre l’Église catholique, les architectes de la Terreur ont utilisé un argument efficace bien connu : l’argent. D’innombrables pamphlets, articles de gazette et caricatures montraient des prêtres cupides ruinant des familles en sollicitant des dons exorbitants.

La propagande communiste s’en est inspiré et a utilisé le même stratagème. Lorsque la Mongolie était sous le régime communiste, environ 60 000 moines bouddhistes ont été tués. Le régime avait organisé une campagne massive d’affiches de propagande, où les moines étaient dépeints comme des vampires suçant le sang de la population mongole en leur soutirant des dons importants.

Propagande pour un génocide : propagande contre les moines « cupides » par le parti communiste en Mongolie. Provenant de la collection du Musée mémorial des victimes de la répression politique, désormais fermé, Oulan-Bator, Mongolie. Photo de Massimo Introvigne.
Propagande pour un génocide : propagande contre les moines « cupides » par le parti communiste en Mongolie. Provenant de la collection du Musée mémorial des victimes de la répression politique, désormais fermé, Oulan-Bator, Mongolie. Photo de Massimo Introvigne.

Nous assistons actuellement à la même propagande à l’œuvre contre l’Église de l’Unification/Fédération des familles au Japon, après l’assassinat de Shinzo Abe. L’assassin a prétendu vouloir punir Abe pour avoir envoyé une vidéo, puis un message, à deux événements d’une organisation liée à l’Église de l’Unification. Il détestait ce groupe parce qu’il pensait que les dons de sa mère à cette organisation l’avaient conduite à la faillite.

Il existe au Japon un groupe anti-Église de l’Unification connu sous le nom de Réseau national des avocats contre les ventes spirituelles (National Network of Lawyers Against Spiritual Sales). Il affirme que d’innombrables Japonais ont été ruinés, à la fois par des dons et par l’achat d’objets sans valeur vendus par l’Église de l’Unification à des prix extravagants.

L’étiquette « ventes spirituelles » a été inventée par les médias de gauche opposés à l’Église de l’Unification au Japon dans les années 1980. Une société appelée Happy World importait des vases et des pagodes miniatures pour les vendre au Japon. Certains acheteurs, liés à des nouveaux mouvements religieux autres que l’Église de l’Unification, déclaraient que ces objets étaient imprégnés d’une bonne énergie spirituelle. Sans grande surprise, Happy World s’en est réjoui et a augmenté les prix. L’Église de l’Unification ne vendait pas les vases et les pagodes et n’avait rien à voir avec les affirmations sur leurs prétendus pouvoirs mystiques. Cependant, les propriétaires de Happy World étaient des membres de l’Église de l’Unification et ils reversaient une partie de leurs bénéfices à l’Église. Ils ont donc été accusés de « ventes spirituelles », notamment après la création de l’association d’avocats hostiles en 1987.

Après 1987, les ventes de vases et de pagodes ont cessé, mais d’autres membres de l’Église de l’Unification avaient des commerces d’œuvres d’art, de bijoux et de sceaux qu’on utilise au Japon pour certifier les signatures. Ces sceaux étaient fabriqués de façon raffinée à partir de matériaux coûteux, mais ils étaient vendus à des prix plus élevés que d’ordinaire, d’autant plus qu’ils étaient supposés porter chance, ce qui est courant pour différents artéfacts au Japon. Encore une fois, ces articles n’étaient pas vendus par l’Église de l’Unification, mais par des membres qui utilisaient ensuite une partie de leurs bénéfices pour faire des dons à l’Église.

En 2000, une loi sur les ventes à domicile fut modifiée de manière significative, prenant le nouveau nom de « Loi sur les transactions commerciales spécifiées » (Act on Specified Commercial Transactions). Elle interdisait « d’intimider ou de perturber » les acheteurs potentiels pour les inciter à acheter. Sur la base de cette loi, des membres de l’Église de l’Unification qui vendaient des sceaux furent arrêtés et finalement condamnés à des peines de prison avec sursis. Le président de l’Église japonaise de l’époque reconnut sa responsabilité de n’avoir pas informé les membres de la nouvelle loi et de leur devoir de la respecter. Il démissionna en 2009, et l’Église de l’Unification adopta une nouvelle politique, conseillant aux membres dont les entreprises vendaient des objets « porte-bonheur », y compris des sceaux, de se conformer strictement à la loi de 2000.

Au Japon, les sceaux sont des produits très populaires.
Au Japon, les sceaux sont des produits très populaires.

Les avocats hostiles ont aussi utilisé l’étiquette « ventes spirituelles » pour qualifier des dons faits à l’Église de l’Unification, ce qui est fort différent. Ils ont affirmé que l’Église « vendait » le salut éternel contre des donations, tant pour les vivants que pour leurs proches décédés. Ils ont réussi à persuader certains tribunaux japonais d’établir le principe douteux selon lequel un montant de dons élevé supposait des moyens « frauduleux ou menaçants », ou bien des « techniques psychologiques » privant les donateurs de leur « libre arbitre » (ce qui est une notion dangereusement proche de la théorie discréditée et pseudo-scientifique du lavage de cerveau).

Les gages d’appréciation accordés aux donateurs peuvent également être malicieusement confondus avec des articles vendus dans le cadre de « ventes spirituelles ». Dans certaines organisations catholiques, les personnes qui font des dons importants reçoivent un livre ou un diplôme dédicacé par le pape. Évidemment, ils n’achètent pas le diplôme ou le livre à un prix exorbitant. Ce ne sont que des rappels symboliques que l’Église leur est reconnaissante pour leurs dons.

Les avocats se sont appuyés sur un sophisme fréquent des campagnes contre les groupes qualifiés de « sectes ». Ils présentent comme uniques des pratiques qu’ils ont pourtant en commun avec les grandes religions. L’Église catholique croit que de nombreuses âmes après la mort vont au Purgatoire, un état temporaire entre le Ciel et l’Enfer. Le temps passé au Purgatoire peut être abrégé par leurs parents et amis grâce à des prières, des messes pour lesquelles ils versent un honoraire au prêtre, et des dons. En effet, l’une des raisons pour lesquelles Martin Luther s’est séparé de l’Église de Rome était son aversion pour la doctrine catholique des indulgences, qui enseignait que les offrandes monétaires pouvaient automatiquement raccourcir le temps passé au Purgatoire. Les ordres bouddhistes ont des enseignements similaires, liant les dons à une meilleure réincarnation des proches décédés en leur évitant les redoutables enfers froids.

Jörg Breu l’Ancien (1475-1537), « La vente des indulgences ».
Jörg Breu l’Ancien (1475-1537), « La vente des indulgences ». Crédits.

Des centaines d’églises protestantes maintiennent le principe biblique de la dîme et demandent à leurs membres de donner dix pour cent de leurs revenus. La dîme est suggérée comme une possibilité, non obligatoire, dans l’Église de l’Unification. Cette dernière a également des pratiques spécifiques, comme une donation en multiples de trente pendant quatre ans, reconnaissant la responsabilité collective de l’humanité pour la trahison du Christ par Judas, qui l’a vendu pour trente pièces d’argent.

Dans ses principes généraux, la doctrine des dons dans l’Église de l’Unification est étonnamment similaire à celle de ses homologues catholiques et protestantes. Les tribunaux japonais ont commencé à le reconnaître, notamment parce que les donateurs signent désormais des déclarations notariées dans lesquelles ils affirment donner librement, comprendre toutes les implications, et s’engager à ne pas poursuivre l’Église de l’Unification à l’avenir. En 2021, la Fédération des familles a encore perdu une affaire de donation, mais en a gagné deux autres – dont l’une a été jugée par le Tribunal de district de Tokyo, qui a établi que le plaignant avait falsifié des preuves.

En définitive, le problème est théologique et philosophique. Pour un croyant, les dons peuvent être l’occasion d’expériences spirituelles profondes. Pour un athée, ou quelqu’un qui croit que des groupes comme l’Église de l’Unification ne sont pas de « vraies » religions, aucune mise en garde ne serait suffisante et aucun don ne serait reconnu comme le fruit d’un choix libre et raisonnable.

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