L’ancien dirigeant d’une association « créée » par un affilié français de la FECRIS pour lutter contre l’islam radical et propager subtilement l’athéisme continue de soutenir Poutine.
par Massimo Introvigne
La FECRIS est la Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur les sectes, une organisation internationale de lutte contre les sectes largement soutenue par les contribuables français. Elle a été critiquée par des universitaires et même par la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF) pour se comportements discriminatoires à l’encontre des groupes qu’elle stigmatise comme étant des « sectes ». « Bitter Winter » a documenté ses liens dangereux et son soutien à la répression sanglante des religions minoritaires en Russie et en Chine.
L’une des filiales les plus importantes et les plus actives de la FECRIS opère en Russie. Depuis 2014 (et même avant), elle soutient systématiquement l’agression du régime de Poutine contre l’Ukraine. Lorsque Poutine a envahi l’Ukraine en février 2022, ce soutien est devenu une source d’embarras pour la FECRIS. Pourtant, la FECRIS a attendu mars 2023 pour rompre ses liens avec sa branche russe. Cela signifie que pendant plus d’un an, les dirigeants russes de la FECRIS ont soutenu les crimes de Poutine contre le peuple ukrainien tout en restant des membres en règle de la FECRIS, ce qui a provoqué de vives réactions en Ukraine.
La FECRIS a été contrainte par les pressions internationales de mettre fin à cette situation en mars 2023. Cependant, la FECRIS a maintenant un autre problème avec la guerre contre l’Ukraine, cette fois-ci non pas en Russie mais en France.
Le GEMPPI est un affilié français de la FECRIS dont l’acronyme signifie « Groupe d’étude des mouvements de pensée en vue de la protection des individus ». Didier Pachoud, représentant du GEMPPI, est (ou était, car la FECRIS est parfois lente à mettre à jour ses registres officiels) le trésorier de la FECRIS. Le 15 juillet 2022, près de cinq mois après le début de la guerre contre l’Ukraine, la GEMPPI a organisé à Paris un colloque anti-sectes dont l’un des orateurs était Roman Silantyev, l’un des antisectes russes les plus fanatiquement anti-Ukrainiens.
Jusqu’à présent, nous parlons toujours de Russes. Cependant, une association française (et non russe) « créée » par le GEMPPI, et qui avait une relation directe avec la FECRIS et qui a été dissoute le 21 mars 2023, appelée Turquoise Freedom, avait un président qui continue à soutenir l’agression de Poutine contre l’Ukraine jusqu’à ce jour. Dans le rapport annuel 2022 du GEMPPI, l’affilié de la FECRIS a admis que « nous [le GEMPPI] avons œuvré à la création d’une association spécialisée dans ce domaine [l’islam radical], Turquoise Freedom ».
En fait, Turquoise Freedom avait également un lien direct avec la FECRIS. Lors de l’assemblée générale de la FECRIS du 20 mai 2016, Turquoise Freedom, sur proposition de Didier Pachoud, a été accueillie au sein du Conseil scientifique de la FECRIS pour un an.
L’ancien président de Turquoise Freedom, Khaled Slougui, participe régulièrement aux activités et conférences de la FECRIS. En 2018, Slougui est devenu membre du Conseil d’administration du GEMPPI.
Avant de revenir sur les raisons qui ont poussé le GEMPPI à créer Turquoise Freedom, revenons sur la position de Slougui sur le conflit ukrainien. Février 2022 : Poutine commence son agression criminelle contre l’Ukraine. Slougui ne tarde pas à tweeter son soutien à Poutine. « Je viens d’écouter Éric Zemmour sur le conflit Russie-Ukraine, il a été impérial en revenant à l’origine du problème. Les provocations américaines sont insupportables, et l’OTAN n’a plus raison d’exister. Aussi la France devrait quitter le commandement intégré ». « Macron semble furieux, et pour cause : Poutine s’est moqué de lui, et du coup son plan interne pour les présidentielles s’écroule. Lui qui refusait de descendre dans l’arène pour défendre son bilan. Chez Rothschild, “on ne pense pas, on compte”. Chez le KGB, on préfère l’action ». « Un monde unipolaire c’est le plus grand danger pour l’humanité. En stratège avisé, Poutine est en train d’y remédier, et la grande Russie est de retour pour un monde multipolaire. Le reste n’est qu’agitation stérile, et les jeux sont faits. L’OTAN doit disparaitre, ça serait mieux ».
La guerre continue, tout comme les tweets du président de Turquoise Freedom. Le 19 mai 2022, il poste : « Au lieu d’utiliser l’argent des français pour armer le clown [Zelenskyy] et plaire au sénile US [Biden], (…) l’État doit réaliser que ce n’est pas sa guerre et préserver ses relations avec la Russie ».
Slougui continue de travailler avec la FECRIS, soutenue par la France, mais en même temps il calomnie la « Macronie » (le pays et le gouvernement de Macron) comme étant elle-même « sectaire ». Le 11 juin 2022, il a tweeté « Je participe au congrès de la FECRIS (Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur les Sectes), à Bruxelles. Par le passé, j’avais avancé l’idée qu’en Macronie, l’esprit de secte est dominant. Donc l’esprit de secte est présent aussi en milieu ‘laïc’ ».
En bref, pour l’ancien président de Turquoise Freedom, lié à la FECRIS, Zelenskyy est « un comique dictateur et corrompu utilisé pour faire la guerre par procuration ». Alors qu’il exprime publiquement son soutien à Poutine, il continue d’assister aux événements de la FECRIS et rien n’indique que la FECRIS ou le GEMPPI se soient désolidarisés de lui ou de Turquoise Freedom.
En fait, la raison pour laquelle GEMPPI a eu besoin de créer Turquoise Freedom n’est pas liée à la Russie, mais constitue une histoire fascinante en soi. On peut commencer à la comprendre en lisant un article publié dans « La Provence » du 16 mai 2015, expliquant que Pachoud a annoncé à une conférence de la FECRIS que l’émergence de l’islam radical « nécessitait la création de Turquoise Freedom », puisque dans ce domaine, le « travail » du GEMPPI sous son propre nom n’était « pas, par exemple, de ramener [les musulmans] à un islam modéré. Nous sommes des laïcs ! ».
Mais la mèche est vendue dans deux pages « confidentielles » du site web de la FECRIS. Elles y figurent, mais ne sont pas faciles à repérer et à consulter. Une suggestion amicale à la FECRIS : ne perdez pas votre temps à les retirer de votre site web, comme vous l’avez fait avec d’autres textes embarrassants auparavant. Bien entendu, nous, à « Bitter Winter », les avons conservés pour la postérité.
Bien que le site web de la FECRIS contienne également un petit texte en français et en anglais, l’explication la plus claire est fournie par une présentation PowerPoint proposée en français et également en PDF en anglais.
M. Pachoud explique que le GEMPPI a une « méthode » qui vise les proches des adeptes de l’islam radical (et d’autres religions), qui risquent d’être eux-mêmes « radicalisés ». Cette méthode s’attaque directement et brutalement au Coran et à la Bible. Tout en reconnaissant du bout des lèvres que ces saintes écritures contiennent également des éléments positifs, Pachoud affirme qu’« aucune religion est anodine ou inoffensive, elle comporte toujours dans ses textes sacrés de la radicalité, de la pensée extrême ». En deux heures, la Bible et le Coran sont déconstruits comme étant « contraires à la science », « anachroniques », « violents » et « non démocratiques ».
Quel est le but de cette « procédure » créée par le GEMPPI ? On vend la mèche dans la diapositive n°18 : « Ce procédé met en exergue l’idée que ce n’est pas Dieu qui créé l’homme à son image, mais l’inverse. (Nous avons observé sur les groupes ayant participé à la procédure que les résultats sont au rendez-vous : relativisation des textes et des vérités) ».
Cette diapositive est importante car elle montre que lorsque la FECRIS nous dit qu’elle n’est pas contre la religion, elle ment tout simplement. « L’idée que ce n’est pas Dieu qui crée l’homme à son image, mais l’inverse » est une affirmation classique, quoique dépassée, de l’athéisme. La « procédure » vise à transformer en deux heures des croyants religieux, persuadés que Dieu a créé l’homme, en athées qui prétendent que c’est l’inverse et que Dieu n’est qu’une création humaine. Et « les résultats sont au rendez-vous », assure le dirigeant de la FECRIS.
Mais qu’en est-il de Turquoise Freedom ? Son rôle est expliqué dans une diapositive séparée en anglais et dans la deuxième partie de la diapositive n° 18 en français. Il est évident que la procédure a un « contenu rationnel et désacralisant » (c’est-à-dire qu’elle promeut l’athéisme). Il est possible que certains musulmans et d’autres personnes « ne soient pas intéressés, notamment en raison de leurs sensibilités religieuses ». Si la méthode GEMPPI, pratiquée sous le nom du GEMPPI lui-même, est rejetée par certains qui, après tout, ne veulent pas devenir athées, alors une organisation ostensiblement distincte, « Turquoise Freedom, les prend directement en charge sans utiliser ce procédé de protection idéologique proposé par le GEMPPI ».
Ne vous y trompez pas, Turquoise Freedom et Slougui n’ont aucune sympathie pour Dieu non plus. Lorsque Macron mentionne Dieu, Slougui tweete : « C’est une hérésie dans la République laïque ! ». En fait, ils se contentent de cacher leur athéisme militant et le nom du GEMPPI qui est trop manifestement lié à la propagande laïcarde anti-religieuse, pour enrôler quelques croyants naïfs dans leur croisade antisectes et anti-« séparatisme ». Le « rendez-vous » avec l’athéisme n’est que reporté.
Slougui et Turquoise Freedom ont été également utilisés pour maintenir les aficionados de Poutine dans le circuit antisectes français. Il n’y a pas d’issue : plus on regarde la FECRIS, plus ses « liaisons dangereuses » avec Poutine et la propagande anti-ukrainienne surgissent de toutes parts.