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Bitter Winter

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France : La secrétaire d’État Sonia Backès est-elle une «survivante de la Scientology» ? Son frère raconte une histoire différente

11/29/2022Massimo Introvigne |

Elle supervise la mission antisectes MIVILUDES et raconte un récit dramatique sur son passé. Mais son frère émet des doutes à ce sujet.

Par Massimo Introvigne

Read the original article in English.

Secretary Sonia Backès with her brother in April 2022. Courtesy of Secretary Backès’s brother.
La secrétaire Sonia Backès avec son frère en avril 2022. Avec l’aimable autorisation du frère de la secrétaire Backès.

Sonia Backès est la nouvelle secrétaire d’État française à la Citoyenneté, et elle a dans son portefeuille la MIVILUDES, la controversée Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Elle a également une histoire dramatique à raconter, que les médias français adorent. Elle insiste sur le fait qu’elle serait une survivante ayant réussi à s’échapper à l’âge de 13 ans de ce qui, pour la MIVILUDES, est la quintessence de la « secte », l’Église de Scientology.

Si, à Bitter Winter, nous ne faisons pas mystère de notre critique de la MIVILUDES et de l’attitude du gouvernement français à l’égard des « sectes » – qui, selon nous, met gravement en danger la liberté de religion ou de conviction – nous respectons également les histoires et les sentiments individuels, y compris ceux de la secrétaire Backès et de ses proches qui sont toujours des paroissiens de la Scientology. Nous pensons également que le public mérite d’entendre les deux côtés des histoires controversées. La version de Mme Backès est facilement disponible sur plusieurs médias français, notamment « Le Figaro », le « Huffington Post » français et « France Info », où il est facile d’entendre son histoire de sa propre voix.

Bitter Winter présente un récit alternatif, et donne la parole au frère de Backès, un Scientologiste. Il est naturellement en colère contre les critiques de sa sœur à l’égard de leur mère, décédée en juillet dernier. Nos lecteurs peuvent comparer les deux versions de l’histoire et décider par eux-mêmes.

BW : Votre sœur Sonia Backès est aujourd’hui secrétaire d’État à la citoyenneté en France, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, et elle a dans son portefeuille la MIVILUDES, l’agence « antisectes » controversée du gouvernement français. Elle a récemment déclaré publiquement avoir été élevée par sa mère, qui était Scientologiste, et a dit qu’à l’âge de 13 ans, elle s’est échappée et est retournée vivre avec son père en Nouvelle-Calédonie, dans le but de fuir la Scientology. Quelle a été votre réaction ?

« En fait, j’ai été très bouleversé. Ma mère est décédée à la fin du mois de juillet, et juste après, ma sœur a donné une interview au journal français ‘Le Figaro’, dans laquelle elle a raconté une histoire sur ma mère, et sa prétendue enfance dans la Scientology, dont je sais qu’elle est fausse. La vérité est qu’elle n’a jamais ‘échappé à la Scientology’ comme elle l’a prétendu dans ‘Le Figaro’ et ailleurs. Quand elle avait 14 ans, Sonia et moi vivions à Paris avec notre mère, et Sonia était nostalgique de sa vie en Nouvelle-Calédonie où elle était née et avait été élevée dans son jeune âge. C’est ma mère, après en avoir discuté avec elle, qui a payé un billet d’avion pour que ma sœur puisse retourner à Nouméa et vivre avec son père.

Ma mère était en effet Scientologiste, et nous avons été élevés par des parents Scientologistes qui nous ont parlé de leur foi, comme cela se passe dans toute religion. Ensuite, comme dans toute religion, certains enfants vont continuer à pratiquer et d’autres vont s’éloigner de leur église ou de leur pratique. Cela arrive aux catholiques, aux protestants, aux musulmans, aux juifs, rien de bizarre ici. Néanmoins, Sonia et notre mère ont gardé une relation très forte pendant toute leur vie. Bien sûr, il a pu y avoir des conflits, comme cela arrive souvent entre parents et enfants, entre mères et filles, mais cela ne doit pas devenir une raison pour salir la mémoire de notre mère décédée, juste après sa mort. Ma mère était une femme très brillante, qui a toujours fait tout ce qu’elle pouvait pour aider et prendre soin de ses enfants. Elle mérite mieux. Sonia le sait, mais il semble que sa carrière politique soit devenue un peu plus importante que la vérité. »

BW : Il semble grossier qu’une politicienne puisse attaquer sa propre mère pour le bien de sa carrière. Pourquoi votre sœur devrait-elle inventer une histoire qui n’est pas vraie ?

« Eh bien, quelques jours avant sa mort, ma mère m’a montré et donné un SMS que Sonia venait de lui envoyer. Dans ce message, Sonia expliquait qu’elle allait avoir la MIVILUDES dans son portefeuille de Secrétaire d’État, et qu’elle avait peur que Mediapart (un journal français en ligne spécialisé dans les enquêtes sur les politiciens et les scandales potentiels) découvre que notre mère était Scientologiste. Comme vous le savez, la MIVILUDES a toujours encouragé la discrimination des Scientologistes. Puis, Sonia a ajouté que pour cette raison, elle devrait dire qu’elle avait quitté la famille à cause de la Scientology, pour éviter un scandale. Ma mère a répondu qu’au lieu d’inventer des histoires, elle devrait dire la vérité, c’est-à-dire qu’elle a toujours respecté la religion de sa famille et qu’elle respectait en fait la liberté de religion de quiconque, et cela aurait été terminé. La vérité est qu’elle n’a jamais attaqué la religion choisie par sa mère, son beau-père et son frère jusqu’à ce qu’elle obtienne un poste gouvernemental en relation avec la MIVILUDES, où l’on s’attend à ce qu’elle soit fanatique et intolérante. Pouvez-vous croire qu’elle a inventé une histoire selon laquelle elle a dû quitter sa propre mère à cause de la Scientology, et que dans la phrase suivante de son message, elle disait qu’elles devraient se voir quand elles en auraient le temps ? Il me semble que la MIVILUDES insiste pour que les personnes qui lui sont associées s’attaquent aux nouvelles religions, et les obligent à se séparer des membres de leur famille qui appartiennent à un nouveau mouvement religieux. N’est-ce pas précisément le ‘comportement sectaire’ qu’ils prétendent combattre ?

Ma mère était bouleversée, et elle aurait voulu en parler en personne avec Sonia. Mais elle a été admise à l’hôpital et est morte avant d’avoir pu en parler plus longuement avec Sonia. J’aurais bien parlé à Sonia, mais lorsque ma mère est morte, Sonia était en Nouvelle-Calédonie, et après mon retour aux États-Unis, j’ai pensé que j’aurais le temps de parler à Sonia lorsque je serais revenu à Paris. Mais elle a commencé à répandre des mensonges dans plusieurs médias avant mon retour.

Néanmoins, je suis venu à Paris récemment, et j’ai demandé à Sonia si nous pouvions nous rencontrer et prendre un café ensemble. En effet, depuis le décès de notre mère, nous n’avons jamais eu l’occasion de discuter en personne. Elle a inventé une fausse obligation professionnelle pour qu’on ne se rencontre pas. »

BW : Quel souvenir gardez-vous des relations de votre sœur avec la Scientology ?

« La vérité est ce que ma mère a dit. Ma sœur ne m’a jamais rien dit de négatif sur la Scientology. Elle savait que sa famille allait bien, que c’était une famille Scientologiste, et elle était bien sûr d’accord avec cela. Elle passait régulièrement des vacances avec nous. En fait, nous avons passé un merveilleux moment à Paris tous ensemble en avril, Sonia, moi, ma mère et mon père (le beau-père de Sonia). Nous sommes tous Scientologistes. Puis, lorsqu’elle a été nommée secrétaire d’État en juillet, elle a invité ma mère et mon père Place Beauvau, au ministère de l’Intérieur, pour leur montrer son nouveau bureau. Si elle avait vraiment un problème avec notre religion comme elle le prétend maintenant, elle ne l’aurait pas fait.

La vérité est que ma mère a toujours pris soin de sa famille, y compris de Sonia. Et Sonia sait qu’elle faisait partie de la famille, que nous la respections et l’aimions, et avant qu’elle ne devienne ce qu’elle est devenue récemment, avant qu’elle ne soit forcée par son engagement auprès de la MIVILUDES à mentir et à attaquer sa propre mère, elle nous respectait, nous et nos croyances, naturellement. »

La secrétaire Backès avec sa mère et son beau-père, avril 2022. Avec l’aimable autorisation du frère de la secrétaire Backès.
La secrétaire Backès avec sa mère et son beau-père, avril 2022. Avec l’aimable autorisation du frère de la secrétaire Backès.

BW : Sonia et vous avez tous deux été élevés par des parents Scientologistes dans votre jeune âge. Votre expérience était-elle différente de ce que Sonia a raconté aux médias ?

« Définitivement. J’ai été élevé par des parents Scientologistes, et en fait, j’ai décidé assez jeune d’étudier la Scientology par moi-même. Mes parents, y compris ma mère, ne m’ont jamais forcé à faire quoi que ce soit. J’aime la Scientology et, contrairement à ce qui est souvent dit dans certains médias, je crois qu’elle donne plus de liberté, plus de capacité à prendre ses propres décisions et plus d’autodétermination que tout ce que je connais. Tous les Scientologistes que je connais le confirmeraient, et c’est une religion basée sur votre propre observation, votre propre capacité à comprendre par vous-même ce qu’est la vie, et comment devenir une meilleure personne. Aujourd’hui, je vis aux États-Unis pour des raisons professionnelles, j’ai une carrière florissante et honnêtement, la Scientology m’a été utile toute ma vie, sans aucun inconvénient. »

BW : Eh bien, ce n’est certainement pas le discours de Sonia sur la Scientology maintenant. Vous dites qu’il s’avère difficile pour vous de la rencontrer. Mais, si vous pouviez vous rencontrer, que voudriez-vous lui dire exactement ?

« Je lui dirais que je comprends qu’elle puisse avoir une vision différente de la mienne, qu’elle puisse aussi avoir sa propre histoire personnelle avec notre mère, et qu’elle doive aussi prendre une position publique et gérer des situations d’image difficiles, mais que rien de tout cela ne devrait être une raison suffisante pour mentir, et pour choisir ce qu’elle pense pouvoir aider sa carrière politique plutôt que la vérité et la famille. Elle sait que ce qu’elle dit n’est pas vrai, et elle aurait dû dire à la MIVILUDES que tout ce qu’ils disent sur la Scientology est un mensonge, car elle le sait par son expérience personnelle avec sa famille. Mon opinion personnelle est que cette histoire prouve que les personnes de la MIVILUDES sont celles qui brisent les familles. Et en plus, Sonia devrait respecter la mémoire de notre mère avec intégrité. Vivre avec intégrité et vérité est plus important que le succès politique immédiat. »

Tagged With: Anti-Cult, Church of Scientology, France

Massimo Introvigne
Massimo Introvigne

Massimo Introvigne (born June 14, 1955 in Rome) is an Italian sociologist of religions. He is the founder and managing director of the Center for Studies on New Religions (CESNUR), an international network of scholars who study new religious movements. Introvigne is the author of some 70 books and more than 100 articles in the field of sociology of religion. He was the main author of the Enciclopedia delle religioni in Italia (Encyclopedia of Religions in Italy). He is a member of the editorial board for the Interdisciplinary Journal of Research on Religion and of the executive board of University of California Press’ Nova Religio.  From January 5 to December 31, 2011, he has served as the “Representative on combating racism, xenophobia and discrimination, with a special focus on discrimination against Christians and members of other religions” of the Organization for Security and Co-operation in Europe (OSCE). From 2012 to 2015 he served as chairperson of the Observatory of Religious Liberty, instituted by the Italian Ministry of Foreign Affairs in order to monitor problems of religious liberty on a worldwide scale.

www.cesnur.org/

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