BITTER WINTER

Les Témoins de Jéhovah face aux ex-Témoins. 4. Les mineurs sont-ils concernés par l’exclusion ?

by | Aug 6, 2022 | Documents and Translations, French

Les opposants des Témoins de Jéhovah soutiennent que « même des enfants » sont excommuniés. De plus, ils désignent des jeunes de 17 ans comme étant des « enfants » et transforment de rares faits, pourtant compréhensibles, en un problème majeur.

par Massimo Introvigne

Article 4 sur 6. Lire l’article 1, l’article 2, l’article 3, l’article 4, l’article 5 et l’article 6.

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A father trying to correct a rebellious son, from the Jehovah’s Witnesses “Awake!” magazine, April 2014. Source: jw.org.
Un père tente de reprendre son fils rebelle. Tiré de la revue « Réveillez-vous ! » d’avril 2014, éditée par les Témoins de Témoins de Jéhovah. Source : jw.org.

Les opposants des Témoins de Jéhovah relatent souvent des cas de membres qui ont été soudainement excommuniés et exclus de cette organisation. Puis ils révèlent des caractéristiques des Témoins de Jéhovah qu’on aurait soigneusement dissimulées auparavant. Cette communauté, qu’on pensait aimante et bienveillante, apparaît désormais comme sévère et stricte. On rapporte des cas terribles d’« enfants » excommuniés dont les parents et les frères et sœurs évitent tout contact avec eux au sein même de leur foyer. Comme nous le verrons ci-après, ces histoires sont fausses. Même s’il existe de rares cas d’excommunication de mineurs, on ne cesse assurément pas de les fréquenter au sein de leur foyer.

Les apostats et les experts en dérives sectaires ont leurs propres stratégies, mais généralement elles ne correspondent pas vraiment à la réalité. Les personnes qui deviennent Témoins de Jéhovah sont informées que si elles commettent un péché grave sans se repentir, elles risquent d’être excommuniés. Elles savent que l’exclusion est une conséquence de l’excommunication. Cette partie des règles internes à la communauté n’est aucunement dissimulée aux personnes susceptibles de se convertir. Dans l’article précédent, j’ai expliqué comment l’exclusion est mise en œuvre, et pour cela, j’ai cité des publications des Témoins de Jéhovah accessibles au public sur leur site internet officiel, jw.org. Les personnes qui envisagent d’intégrer l’organisation sont encouragées à consulter ce site.

On ne devient pas Témoin de Jéhovah du jour au lendemain. Des accusations ont été lancées contre les nouveaux cultes et mouvements religieux qui acceptent de nouveaux membres à la suite de leur première réunion, ou même après leur bref échange avec un ministre du culte rencontré à un stand dans la rue. En revanche, de telles accusations seraient sans fondement si elles étaient dirigées contre les Témoins de Jéhovah. Au contraire, ces derniers, mettent en garde contre toute précipitation à prendre le baptême, même si dans le même temps on ne devrait pas freiner une personne qui est prête à se faire baptiser. Par exemple, dans l’édition d’étude de La Tour de Garde de mars 2018, on lit qu’avant qu’un candidat « se fasse baptiser, [il] doit étudier la vérité concernant Dieu, son projet pour les humains et la terre, et ce qu’il a fait pour sauver l’humanité (1 Tim. 2 :3-6). Puis, [il] doit développer la foi, ce qui l’aidera à obéir aux lois de Dieu et à rejeter ce qu’il déteste (Actes 3 :19). C’est important, car Jéhovah n’acceptera pas le vœu d’une personne qui pratique des choses qu’il condamne (1 Cor. 6 :9, 10). Mais ce n’est pas tout. Celui qui désire se vouer à Jéhovah doit assister aux réunions de la congrégation et participer régulièrement à l’œuvre de prédication et d’enseignement. Jésus a dit que cette œuvre serait accomplie par ses vrais disciples (Actes 1 :8). »

Dans la pratique, cela signifie qu’avant de demander à se faire baptiser, les candidats doivent déjà être des « proclamateurs non baptisés », soit des participants au ministère public pour lequel les Témoins de Jéhovah sont connus et qui consiste à partager leurs croyances avec autrui. Même avant qu’un individu puisse faire partie de l’assemblée en tant que « proclamateur non baptisé », on s’assure qu’il comprend et accepte les principes bibliques élémentaires et qu’il vit en accord avec ces derniers. Généralement, les candidats qui souhaitent se faire baptiser assistent à deux sessions d’une heure en compagnie des anciens de la congrégation. Il s’agit d’une sorte d’évaluation pendant laquelle les anciens s’assurent que ceux qui demandent à prendre le baptême comprennent tant les enseignements que les pratiques des Témoins de Jéhovah. C’est uniquement si les anciens sont satisfaits que les candidats se font baptiser. Parmi les enseignements fondamentaux que les candidats au baptême doivent connaître et comprendre figurent les péchés considérés comme graves, la possibilité qu’un pêcheur non repentant soit excommunié et, si tel est le cas, l’exclusion qui en découle.

Une représentation du baptême Témoin de Jéhovah issue du cours interactif « Vivez pour toujours ! » Source : jw.org.
Une représentation du baptême Témoin de Jéhovah issue du cours interactif « Vivez pour toujours ! » Source : jw.org.

Les opposants ont objecté que, pour ce qui est de devenir Témoin de Jéhovah, ce qui précède est vrai quand il s’agit d’adultes, mais pas quand il s’agit d’« enfants » nés dans l’organisation. Cette objection peut surprendre ceux qui vivent dans des pays où la majorité des Eglises chrétiennes pratiquent le baptême des nouveau-nés, également appelé « pédo baptême », soit le fait de baptiser les enfants aussitôt que possible après leur naissance. Cela concerne les catholiques romains, l’Eglise orthodoxe d’Orient, les Baptistes, quelques Pentecôtistes et de nombreux protestants, exception faite des confessions issues de la prétendue « Réforme radicale », qui était souvent « anabaptiste », c’est-à-dire « sans baptême [de nouveau-nés] ».

Etant donné que dans de nombreux pays la majorité des chrétiens considèrent le baptême des nouveau-nés comme allant de soi, il se peut qu’ils ne soient pas au courant ou qu’ils n’envisagent pas le fait que les Témoins de Jéhovah ne le pratiquent pas. Les Témoins de Jéhovah font partie de ces groupements chrétiens minoritaires qui croient que ceux qui pratiquent le « pédo baptême » interprètent mal la Bible. Par exemple, La Tour de Garde du 1er octobre 2011, qui parlait de cette question, a insisté sur le fait que « Jésus n’a pas demandé que les bébés soient baptisés » et a fait observer que « les personnes qui sont baptisées doivent être des disciples de Jésus, c’est-à-dire qu’elles ont reçu l’enseignement concernant Jésus et qu’elles ont fait le choix d’aller à sa suite, décision qu’un tout petit enfant n’est naturellement pas en mesure de prendre ». Il existe des douzaines d’autres textes dans lesquels le baptême des nouveau-nés est commenté par les Témoins de Jéhovah.

Un baptême de nouveau-né au sein d’une église orthodoxe grecque. Crédits. Les Témoins de Jéhovah rejettent cette pratique et la considèrent comme non biblique.
Un baptême de nouveau-né au sein d’une église orthodoxe grecque. Crédits. Les Témoins de Jéhovah rejettent cette pratique et la considèrent comme non biblique.

Par conséquent, le fait qu’un individu soit né dans un foyer Témoin de Jéhovah ne signifie pas qu’il est lui-même considéré comme Témoin de Jéhovah de manière automatique. Les garçons et les filles dont les parents sont Témoins de Jéhovah et qui souhaitent intégrer l’organisation, ce qui n’est pas le cas de tous, suivent le même processus que tout autre candidat au baptême. L’édition d’étude de La Tour de Garde du 1er juillet 2006 s’adressait directement aux enfants dont les parents sont Témoins de Jéhovah en ces termes : « […] jeunes gens, comprenez bien que ni vos parents ni les anciens de la congrégation ne vous forceront à vous faire baptiser. Le désir de servir Jéhovah doit venir de vous ».

Des détracteurs prétendent avoir rencontré, de manière occasionnelle, des enfants qui ont été baptisés à l’âge de 10 ans au minimum. Dans le cadre de l’analyse des Témoins de Jéhovah effectuée par d’autres érudits et moi-même, cela ne nous est pas inconnu mais reste relativement rare. Au sein des sociétés modernes, les jeunes atteignent la maturité à un âge différent, en raison de circonstances diverses qui varient en fonction de la partie du globe où ils vivent. Les Témoins de Jéhovah reconnaissent ce fait. L’édition d’étude de La Tour de Garde de mars 2018 déclarait ceci : « Bien sûr, chaque enfant est différent. Tous ne mûrissent pas au même rythme. Certains comprennent la vérité, prennent de bonnes décisions et demandent à se faire baptiser à un jeune âge. D’autres auront besoin de plus de temps. C’est pourquoi les parents font preuve de sagesse en n’insistant pas pour que leur enfant se fasse baptiser ». Le livre Les jeunes s’interrogent Réponses pratiques, édité en 2008, abordait la question suivante : « Y a-t-il un âge pour se faire baptiser ? ». Sa réponse : « L’âge n’est pas un critère essentiel. Il vous faut toutefois être assez âgé, et assez mûr, pour comprendre la signification du baptême ».

Contrairement à ce que soutiennent les opposants, le fait qu’un mineur puisse être assez mûr pour faire des choix entraînant de grandes conséquences n’est pas une idée propre aux Témoins de Jéhovah. Dans certains pays comme les Etats-Unis, l’Angleterre et le Pays de Galles, des mineurs peuvent être jugés par des cours d’assises au même titre que les adultes, et ce pour de graves chefs d’accusation tels qu’un homicide ou une agression sexuelle. Ne sont concernés que ceux pour lesquels les tribunaux estiment que les capacités cognitives et morales étaient suffisamment développées au moment du crime.

L’Eglise catholique romaine pratique le baptême des nouveau-nés et n’exige pas qu’une personne comprenne sa foi comme une condition préalable au baptême. Cependant, elle canonise les personnes qui ont accompli des actes héroïques sur les plans moral et religieux. Des centaines de mineurs ont été canonisés, et ce même dans d’autres cadres que le cas spécifique du martyr. Comme l’a rapporté le quotidien des évêques catholiques italiens en 1981, la Congrégation pour la cause des saints du Vatican a indiqué qu’à l’âge de 7 ans, certains mineurs peuvent en toute conscience décider si oui ou non ils accepteront le projet de Dieu pour eux, ce qui aura une incidence sur leur canonisation éventuelle. Des mineurs peuvent être considérés comme assez mûrs pour être jugés pour des crimes graves au même titre que les adultes, ou bien, à l’autre extrême des possibilités offertes par les hommes, ils peuvent être canonisés pour leurs actes vertueux. Par conséquent, « certains » mineurs peuvent assurément être baptisés en tant que croyants mûrs, et ce au sein d’organisations chrétiennes telles que celle des Témoins de Jéhovah, qui ne pratique pas le « pédo baptême ».

Pour les Témoins de Jéhovah, ce n’est pas l’âge qui est le facteur principal pour le baptême. Source : jw.org.
Pour les Témoins de Jéhovah, ce n’est pas l’âge qui est le facteur principal pour le baptême. Source : jw.org.

De plus, les opposants mettent en avant les situations attristantes de mineurs excommuniés avec lesquels on évite tout contact. Tout comme les mineurs qui commettent des crimes sont jugés par les autorités laïques, soit au même titre que les adultes ou dans des tribunaux pour mineurs, de nombreuses religions ont mis en place des dispositions où les mineurs coupables de délits graves peuvent être exclus de la communauté. Chez les Témoins de Jéhovah, on retrouve cette possibilité qu’un mineur soit excommunié, mais les cas où cela se produit sont rares.

Une controverse a récemment éclaté en Norvège. Comme l’a mentionné le premier article de cette série, à la suite d’une lettre émanant de deux ex-membres apostats et d’un opposant anonyme, le gouverneur des comtés d’Oslo et de Viken a émis une décision administrative privant les Témoins de Jéhovah de la subvention de l’Etat pour l’année 2021, en raison de leur pratique de l’exclusion. Lors de leur appel de cette décision, les Témoins de Jéhovah ont fait remarquer que, sur les cinq dernières années, un mineur seulement avait été excommunié à l’âge de 17 ans en Norvège. De toute évidence, le fait de désigner un jeune de 17 ans comme « un enfant » peut avoir force de propagande, mais cela est erroné. L’un des ex-membres apostats a répondu à son tour qu’il « avait reçu des informations » sur cinq cas d’excommunication de mineurs en Norvège, sans donner d’éclaircissements quant au moment des faits.  Il a déclaré qu’« ils ne veulent pas être identifiés », nous n’avons donc que sa parole les concernant.

Il est vrai que les mineurs Témoins de Jéhovah peuvent être excommuniés. Mais cela n’arrive pas souvent. Dans le cas d’une excommunication, leurs parents et leur fratrie ne cessent assurément pas de les fréquenter au sein de leur foyer. En réalité, ils ne sont même pas exclus des activités familiales d’étude de la Bible, même s’ils ne sont plus « proclamateurs » et qu’ils ne prêchent plus leurs croyances à autrui, ce qui est compréhensible. Pour les parents dont la fille ou le fils est excommunié (e), La Tour de Garde du 15 novembre 1988 donnait cette instruction : « Ils sont toujours responsables de leur enfant, bien qu’il (sic) ne remplisse plus les conditions requises d’un proclamateur non baptisé, ou qu’il ait été exclu s’il a péché après s’être fait baptiser ». Et l’article de continuer : « Tout comme ils continueront de lui fournir nourriture, vêtement et abri, ils lui donneront l’instruction et la discipline en accord avec la Parole de Dieu (Proverbes 6 :20-22 ; 29 :17). Ces parents pleins d’amour pourront donc prévoir une étude de la Bible au foyer avec lui, même s’il est exclu. Peut-être retirera-​t-​il un meilleur profit de l’étude s’ils étudient avec lui en particulier. Ou bien, ils pourront décider qu’il lui est possible de continuer à assister à l’étude familiale. Bien qu’il se soit écarté du droit chemin, ils désirent le voir revenir à Jéhovah, comme l’a fait le fils prodigue dont Jésus a parlé dans l’une de ses illustrations ».

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