Après l’abandon de l’ayahuasca, les expériences se sont poursuivies grâce à des techniques de méditation guidée.
par Susan J. Palmer
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Mikis Hasson, le fondateur de TierraMitica que nous avons rencontré dans le premier article de cette série, décrit l’ayahuasca comme « un mélange de deux plantes différentes, la chukruna et l’ayahuasca ; l’une contient une substance chimique appelée DMT et l’autre une enzyme nécessaire à l’absorption par le corps ».
Hasson a fait remarquer lors de notre entretien : « Ensemble, elles forment une potion psychotrope capable de guérir les traumatismes, d’ouvrir la connexion du cœur avec le divin et de faciliter une discussion en tête-à-tête avec le subconscient. Comme il s’agit d’une expérience psychotrope et hallucinogène, on peut voir des êtres extraterrestres et qui sait quoi d’autre ».
La première expérience de consommation d’ayahuasca de Hasson, à l’été 2016, a été désagréable : « Cette tasse était plus qu’ignoble… elle était épaisse… comme un sédiment fibreux. Elle empestait quelque chose d’horrible et m’a donné la nausée ». Mais il découvre ensuite les bienfaits psychothérapeutiques de cette drogue non récréative. Elle peut « vous connecter à des dimensions qui sont au-delà du réel et vous faire ressentir des vérités au-delà des vérités. Elle met l’accent sur des choses qui sont là, des choses qui ont échappé à votre attention, et elle pointe vers elles des flèches clignotantes ».
Dans son autobiographie, Hasson explique que la « synesthésie » est son « outil principal » dans les ateliers. Il la décrit comme un acte d’empathie avec chaque client, dans lequel il endosse leur système de croyances comme un costume, et « comme vous n’êtes pas eux, leurs paradoxes deviennent évidents ». Il leur présente alors « deux parties contradictoires d’eux-mêmes ». Cette technique de « chasse aux paradoxes » repose sur l’idée que les gens ont des conflits profondément enfouis ou des croyances contradictoires, et que ce n’est qu’en les confrontant qu’ils peuvent faire des choix constructifs.
La méthode de Hasson consiste à demander à ses clients de trouver leur « intention » et de poser à Grand-Mère (l’esprit de l’Ayahuasca) une question qui les aidera à identifier les « paradoxes » (contradictions internes qui provoquent des dissonances cognitives dans leurs souvenirs et leurs croyances). Il leur montrerait alors qu’ils ont le plein choix de leur vie et de leur personnalité et les aiderait à créer un « plan d’un an » pour atteindre l’objectif final, le bonheur.
On peut se demander ce que Hasson a gagné dans sa quête. Sa réussite est exprimée en termes psychologiques comme « un chemin clair et intuitif pour atteindre un destin de bonheur ». Il précise : « Je ne voulais plus subir le chantage et la terreur de ma propre psyché ». Au lieu de cela, il a choisi la voie du « choix conscient éternellement renouvelable de… faire pleinement confiance et de croire en la possibilité d’atteindre un bonheur continu par opposition à un bonheur momentané ».
L’autobiographie de Hasson se termine par un résumé de 53 pages de sa philosophie, de sa vision du sens de la vie, appelé « ChoiceOS » (Choice Operating System). Il banalise Dieu, qu’il considère comme « le type le plus intelligent du coin », et s’attaque à la notion d’illumination, qu’il considère comme « quelque chose de déconnecté de notre existence corporelle ». Il conclut : « Allez les gars, quand allez-vous comprendre que notre humanité même, notre incroyable éventail de choix, bons ou mauvais, sont notre divinité même ? ».
En 2012, Hasson a commencé à construire TierraMitica sur un terrain de 74 hectares acheté à 45 kilomètres de Tarapoto. Son objectif était de créer un foyer permanent pour le Voyage Mythique. En juin 2012, le premier voyage mythique a eu lieu sur son terrain. Entre mars 2013 et septembre 2014, de nombreux voyages mythiques ont été organisés. Ils ont été rebaptisés « ChoiceOS » en 2018, après l’arrêt de l’utilisation de l’ayahuasca et son remplacement par des techniques de méditation guidée. Selon Mikis, « ces techniques partagent de nombreux avantages avec l’expérience de l’ayahuasca, y compris l’induction d’états modifiés de conscience chez ses clients, ce qui facilite l’introspection ».
Entre le 23 et le 28 octobre 2024, j’ai interrogé les 14 membres de la communauté (deux étaient absents à l’époque). Certains des membres les plus âgés ont raconté qu’ils avaient rejoint Mikis lors de son voyage mythique sur l’Amazone à bord d’un magnifique bateau à vapeur transformé en bois de chêne, et qu’ils avaient débarqué dans un lodge situé dans la forêt vierge. Là, ils s’asseyaient ou s’allongeaient sur des matelas autour d’un feu de camp. Chacun buvait la tasse d’ayahuasca offerte par une maestra Shipibo. Certains ont été pris de vomissements et de diarrhées, quelques-uns sont descendus dans l’enfer, d’autres ont eu des visions béatifiques, et l’un d’entre eux n’a rien ressenti. Les derniers « Argonautes » ont décrit les ateliers ChoiceOS organisés après 2018 sur la « terre mythique » de TierraMitica, et ils ont affirmé que les techniques de méditation guidée qui avaient remplacé l’expérience de l’ayahuasca étaient tout aussi efficaces.
Tous mes informateurs ont été profondément impressionnés par l’étonnante compétence de Mikis en tant que psychothérapeute. Ils m’ont expliqué qu’en raison de son autisme, Mikis possédait une vision très précise et un don extraordinaire pour « lire » les gens. Avec une concentration ardente, il pouvait noter le moindre frémissement d’un muscle facial ou d’une paupière, ainsi que les signes d’auto-illusion dans le ton de la voix ou le choix des mots.
Les membres de TierraMitica ont tous commencé par être des « Argonautes » (participants au Voyage Mythique/ChoiceOS). Ils s’étaient inscrits aux ateliers de Hasson dans l’espoir de résoudre des traumatismes d’enfance, des conflits internes et d’autres problèmes. Un homme a été dévasté par le suicide de son frère, une actrice à succès a été déçue dans son rêve de créer une communauté créative d’acteurs. Une femme venait de rompre avec son amante lesbienne. Plusieurs étaient préoccupés par des schémas autodestructeurs qui entravaient leur carrière ou minaient leurs relations. Certains se sentaient épuisés et piégés dans des carrières bien rémunérées mais très exigeantes qui ne leur laissaient pas de temps pour leur développement personnel ou leur famille.
Ils m’ont expliqué comment la thérapie de Mikis les avait aidés à pardonner et à se réconcilier avec leurs parents, à faire face à l’alcoolisme et à la toxicomanie, à améliorer leur créativité, à apprendre à gérer leurs patrons et à choisir leur partenaire de vie. J’ai trouvé nombre de leurs histoires touchantes et inspirantes. Ils ont parlé de leur recherche d’une communauté où ils pourraient être ouverts et honnêtes avec d’autres personnes, et de la façon dont, à TierraMitica, ils ont ressenti un profond respect les uns pour les autres et ont été unis par une compréhension commune de la façon d’atteindre et de maintenir le bonheur.
Susan J. Palmer is an Affiliate Professor in the Religions and Cultures Department at Concordia University in Montreal. She has directed the Children on Sectarian Religions and State Control project at McGill University, supported by the Social Sciences and the Humanities Research Council of Canada (SSHRC). She is the author of fourteen books, notably The New Heretics of France (Oxford University Press, 2012).
